HISTOIRE DE SAINT QUENTIN LAMOTTE du 14ème au 18ème siècle
Le village de SAINT QUENTIN LAMOTTE est en réalité la réunion de 3 hameaux : Saint Quentin, La Croix, et La Motte. Celui-ci s’étend sur une longueur de près de quatre kilomètres, allant de la route de SAINT VALERY à la route d’ABBEVILLE.
ETYMOLOGIE
La première évocation de ce village se trouve dans un acte passé par Charles LE CHAUVE le 21 mai 843 qui renouvelle auprès des moines de ST RIQUIER une donation de Louis le PIEUX et affecte à l’entretien exclusif de ces moines entre autres villages celui de CRUX (La Motte Croix) et MERS. Il ne semble pas douteux que cela soit bien de SAINT QUETIN LA MOTTE qu’il s’agisse dans ce document puisque le village de MERS LES BAINS, tout proche y est associé.
Le nom de Saint Quentin n’apparaît qu’en 1301 « Saint Quintinus super Augum ».
Vers 1310 apparaît également le nom de la Mothe dans un accord réglant un différend entre le Comte de DREUX, seigneur de la chatellenie d’AULT et le Comte de PONTHIEU. Parmi les griefs faits au Comte de DREUX, figure le fait que des gens de la commune d’AULT seraient venus chercher un meurtrier dans la commune de LA MOTHE pour l’emmener à AULT.
Sur la déclaration des feux de 1469, il apparaît que SAINT QUENTIN possède 16 feux ou foyers.
LES FIEFS
A chaque hameau correspond un fief
Le fief de Saint Quentin ne comprenait à l’origine que quelques manses, ou habitations rurales. Parmi elles, un prieuré exploité par les moines de l’abbaye d’EU. C’est le moins important des 3. Il fut donc concédé en partie par le comte Gui de Ponthieu, aux religieux de l’abbaye Notre Dame d’EU et leur a appartenu pendant plusieurs siècles avant de passer aux mains des Seigneurs de la Motte. Ce fief est délimité par les rues de l’Eglise, d’Ault et de Bas ;
Le fief de la Motte qui donna son nom aux seigneurs du même nom, fut le centre féodal de la région. Il occupait la portion de colline située en vis-à-vis de la colline de ST LAURENT. La vallée située entre ces deux monts s’appelle le Val de GLAND.
Le fief de la Croix aurait été primitivement nommé « Outrainville ». Une convention passée en 1154 entre l’abbaye d’EU et Renier de ST VALERY pour une pièce de terre fait mention de ce nom. Aujourd’hui le nom subsiste sous le nom de TRINVIL qui est celui d’une rue située à l’extrémité sud du village. Les témoins de cette charte s’appellent Galto de BETECURIA, Ricardo et Abraham de FRESSENVILLA, Galcerino de ALENAI.
Les deux seigneuries de la Motte et de la Croix au bailly coexistent jusqu’à la Révolution.
L’inventaire précis des biens contenus dans la succession du Comte de LANNOY propriétaire du château et de la seigneurie jusqu’en 1785, donne une idée exacte de l’importance de la seigneurie :
1) La terre de la Croix au bailly à laquelle sont annexés plusieurs fiefs connus sous les noms de Saint Quentin, Lépinois, Lavergne, Dumont, des Batailles, de Flauval et de la basse chaussée d’EU, comprend un château ancien, avec une chapelle dans l’enclos du lieu seigneurial, 101 journaux de bois et 136 de terres, un moulin à vent.
2) La ferme seigneuriale de Blingues, contenant un manoir, terres labourables et bois.
3) Les seigneuries et fiefs de MERS et du Bordemers
4) La ferme de Froideville située dans la paroisse de MERS
5) Une autre ferme seigneuriale appelée de Romerval vis-à-vis celle de Blingues consistant en un manoir, terres labourables et bois.
6) Les seigneuries des hautes rues d’AULT, ONIVAL et d’AGNENCOURT, très importantes comprenant maison, censives, deux moulins à vent et un moulin banal.
7) Les terres et seigneuries de MAREST (OUST-MAREST) sur la vallée de la BRESLE à une lieue de la ville d’EU consistant en un corps de ferme avec colombier, terres, bois, rente sur les deux moulins à eau, droit de pêche.
8) Enfin la seigneurie de CAMPAGNE, avec le fief de Caumont dans l’étendue de la paroisse d’OUST.
Carte d’état major datée de 1940 (collection personnelle) figure dans notre fichier "photos
carte geographique"

LA CROIX DU BAILLY
Celle-ci a retrouvé sa place à l’intersection des rues d’AULT et de FRIAUCOURT.
A l’origine elle reposait sur un socle formé par 3 assises en pierre de granit, la colonne torse tout en grès avait deux mètres de hauteur. Avec sa couronne, elle s’élevait à trois mètres. Elle fut longtemps remplacée par une croix en fer et située alors dans le cimetière.
Elle aurait été arrachée à la Révolution et restaurée en 1839 grâce à la générosité des habitants qui la vénérèrent en procession.
Une inscription au bas de celle-ci fait état de son origine. Au début du 16ème siècle, c’est le bailli Laurent DUPONT né en 1445 et mort en 1529 qui l’aurait fait sculpter et ériger.
Photo de la croix envoyée par un de nos membres, merci à lui.
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Et la couronne ............

LES SEIGNEURS
Un document de 1162 fait état que Guillaume, comte d’EU concède aux chanoines de l’abbaye d’EU sa terre de ST QUENTIN. Son vassal Guillaume de MERS confirme en 1199 la libre entrée des chanoines en terre de Ponthieu pour jouir de leurs possessions à SAINT QUENTIN la même année.
En 1208 Simon d’AOUST (OUST MAREST) héritier de Guillaume de MERS, confirme la libre entrée des chanoines d’EU en leur maison de SAINT QUENTIN.
Famille de LA MOTTE
En 1260, c’est Guillaume de la MOTTE, marié à Agnès de BAILLEUL qui est seigneur de SAINT QUENTIN.
En 1295 Jean de Normandie donne à l’abbaye Notre Dame d’EU sa terre de SAINT QUENTIN. Son vassal Jean de la MOTTE fera édifier la chapelle seigneuriale de la Motte en 1336. Celle-ci, située dans l’enceinte du château a disparu aujourd’hui.
Famille DES MARETZ ou MARETS
En 1377 Robert des MARETS mari de Mahault de la MOTTE fait établir le dénombrement de sa terre de La Motte Croix au Bailly.
En 1406, Jean des MARETZ reçoit le 20 septembre de Mahault de la MOTTE la mère, le fief de La Motte.
En 1431, probablement son fils, Charles des MARETZ, chevalier, seigneur de la Motte Croix au Bailli, prend d’assaut le château de RAMBURES.
En 1495, c’est toujours la famille des MARETZ qui possède le fief de La Motte Croix au Bailly en la personne de Beaudoin de la MOTTE.
Famille DE TORCY
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A partir de 1533 c’est la famille des TORCY qui possède la Croix au Bailly.
Le premier seigneur du nom s’appelle Robert de TORCY fils d’Antoine marié avec Jeanne de ROUSSEL, fille de Robert de ROUSSEL seigneur d’ESCARBOTIN. C’est celle-ci qui laissa cette terre à son fils Robert de TORCY. Celui-ci, écuyer, seigneur de Boscrocourt, la Motte Croix au Bailly, Marais, Meneslies, Etalondes et Mers épouse le 20 octobre 1533 Michèle de LAMETH et donne à son fils Jean la terre en avancement d’hoirie.
Jean de TORCY hérite de la seigneurie et épouse en 1562 Antoinette de CANONVILLE .
Nicolas de TORCY fils aîné du précédent hérite à son tour de La seigneurie en 1588 il est gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi et épouse Louise de RASSENT. Il mourut le 30 novembre 1630 en laissant pour unique héritière Louise de TORCY, sa fille, alliée en août 1632 à François de LANNOY.
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Famille DE LANNOY
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François de LANNOY a de multiples titres, il est baron de BRETIZEL comte de LANNOY, pair d’AUXI LE CHATEAU, gouverneur des ville, château et comté d’EU et du TREPORT.
Louise de TORCY lui apporte en dot la seigneurie de la Motte Croix au Bailly qui comprend outre, le château, la chapelle et dépendances, 680 journaux de terre et bois. Il mourut le 19 janvier 1674 et Louise de TORCY le 27 janvier 1704.
Leur fils aîné, Charles de LANNOY hérite de la Seigneurie en 1675. Il est également comte de LANNOY, pair d’AUXY LE CHATEAU et gouverneur de la ville château d’EU et du TREPORT. Il épousa le 17 août 1675 Antoinette de BELLOY et mourut le 14 juillet 1720.
Leur fils aîné Louis Auguste épousa le 13 mars 1704 Louise-Philippe comtesse de FURSTEMBERG. A cette date il devint seigneur de la Motte Croix au Bailly et hérita aussi de la charge de gouverneur de la ville, château et comté d’EU et du TREPORT. Il mourut le 9 septembre 1738 en son château de la Motte.
A la mort de son père, le fils aîné, Louis Charles Antoine de LANNOY hérita de la Seigneurie de La Motte Croix au Bailly et de la charge de gouverneur du comté d’EU et du TREPORT. Il mourut sans alliance le 28 avril 1785.
Famille DES ESSARTS
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Sa seule héritière, Philippe Louise Hortense LE ROY DE SAINT LAU épouse de Charles Marie Hubert des ESSARTS décida de vendre le domaine le 15 septembre 1786 pour s’acquitter des dettes de son oncle.
Ils vendirent la seigneurie pour 585.000 livres à Louis Philippe Joseph d’ORLEANS, duc d’ORLEANS, premier prince du sang.
Famille d’ORLEANS
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Celui-ci naquit à SAINT CLOUD le 13 avril 1747 et épousé, le 5 avril 1769 Louis Marie Adelaïde de BOURBON. Il mourut sur l’échafaud le 6 novembre 1793 sous le nom de Philippe Egalité. Il souhaitait disposer d’une demeure permettant à ses enfants de profiter du bord de mer sans habiter le château d’EU, demeure de son père.
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Portrait de Philippe Egalité
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En 1792 le château et le domaine furent déclarés « bien national » et adjugé, moyennant 520.000 livres à René LE PRESTRE de CHATEAUGIRON.
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LES HOMMES DE LOI DE LA COMMUNE
1681 : Mr Antoine CHEVALIER, notaire à AULT est nommé Bailly
9 octobre 1681 : Paul GODQUIN, greffier
24 juin 1707 : le Seigneur de FLOC (FLOQUES) est nommé Bailly en remplacement de Mr Antoine CHEVALIER
4 novembre 1709 : Martin BEGUIN devient greffier
1er mars 1712 : François SALADIN est nommé Bailly
18 mars 1713 : nomination d’Antoine de ST GERMAIN comme procureur fiscal
20 décembre 1717 : Guillaume de ST GERMAIN procureur fiscal
LE PAUVRE CURE DE SAINT QUENTIN LAMOTTE
Daté du 6 août 1713.Notaire GODQUIN AULT
Ce jourd’hui dimanche six août mil sept cent treize pardevant le notaire Royal GODQUIN soussigné est comparu le révérend père Jean ? de l’abbaye de Notre Dame d’EU lequel nous a requis de nous transporter au village de la Mothe Croix au Bailly pour prendre les déclarations des habitants dudit lieu……………..
Le Révérend Prêtre Claude FOURNIQUET cy devant…curé dudit lieu de la Motte Croix au Bailly durant l’espace de dix- sept ans a été souvent tourmenté des douleurs de la goutte et particulièrement pendant les dernières années de sorte qu’il était hors d’estat de s’acquitter de ses fonctions curiales dans une paroisse de plus de cinq cents communiants (1) et que notamment que le vingt- cinq juin mil sept cent douze jour de la fête de SAINT QUENTIN patron dudit lieu il fut obligé de se faire soutenir et conduire par trois ou quatre hommes pour aller célébrer le Saint Sacrifice de la Messe n’ayant pu trouver de prestre pour suppléer à son défaut…..
Témoignages qui attestent avoir vu ou entendu dire que le prêtre FOURNIQUET était atteint de la goutte.
François PRUVOST, tailleur d’habits, 75 ans
Jean DUPUTEL, tisserand de thoiles, 73 ans
Guillaume de GLICOURT, laboureur, environ 50 ans
Jean DUPUTEL le jeune, tisserand de thoile, environ 40 ans
Claude de l’HABIE (DELABIE), laboureur, 50 ans
Claude QUEVAL, laboureur, 40 ans
Guillaume CREANT paroissien, âgé de 26 ans
François GODEFROY, tisserand de thoiles, 42 ans
Antoine GODEFROY, tisserand, 47 ans
Pierre CANTEVELLE, manouvrier, 53 ans
Pierre de POILLY, 48 ans
Antoine BERTHE, tailleur de bois, 35 ans
Claude PRUVOST, manouvrier, 38 ans
Jacques LAVACQUERIE, tisserand de thoile, 40 ans
François PIOT, chapelain de La Motte
(1) nombre de personnes du village en âge de communier.
Note du Webmestre : Selon G. DRON, le successeur de Claude FOURNIQUET n’aurait été nommé qu’en 1717, il s’agissait de Monsieur CREVEL. Il est probable que Claude FOURNIQUET exerça son ministère jusqu’à cette date …
LES PREMIERS SERRURIERS A SAINT QUENTIN
C’est en 1691 qu’apparaît le premier serrurier sur les registres paroissiaux. Il s’agit d’Ignace DELAMOLLIERE. S’il est un croisien d’origine, les serruriers qui apparaissent en 1692 : Nicolas CASSIN et en 1693 : Antoine LABYE sont eux originaires d’autres communes.
Suivent Nicolas GIGNON, Robert DEGLICOURT, dit « VION », fermier puis serrurier (d’après les registres) à partir de 1705. Nicolas DEBROUTELLE est lui serrurier dès 1700.
Voici donc les premiers hommes qui marquent le début de cette activité dans ce pays.
LE CHATEAU
(Certaines des informations ci-dessous nous ont été communiquées par René PEREZ que nous remercions ici)
L’indication de « La MOTTE » qui entre dans la composition du nom du village porte à croire qu’un château fort a existé dans cette commune. Surtout si l’on veut bien se rappeler que dans le Nord de la France, la Motte était synonyme de Donjon.
Il ne reste aujourd’hui que fort peu de chose du château ancien proprement dit : deux piliers qui marquent les limites extrêmes et des fondations. Il y aurait également des souterrains…légende ou réalité ? Personne ne sait où ils sont si ce n’est qu’ils déboucheraient dans le bois.
Le lieu est stratégique puisqu’il permet de dominer toute la vallée du Gland (voir carte ci-dessus) et la vallée de la Bresle en direction de la ville d’EU. Ajoutons à cela que depuis des tours, il est possible aussi de voir la côte.
En 1770, Jean Baptiste CHAUSSARD a exécuté à la demande du comte de LANNOY, gouverneur de la ville d’EU « des basses-cours très considérables » ainsi que le dessin du parc et des jardins de son château de la Motte. En 1786 le duc d’ORLEANS qui possédait déjà les seigneuries d’AULT et de MERS acheta le château au marquis des ESSARTS.
En 1788, le château vendu à Philippe Egalité (voir plus haut) abrita toute la famille d’Orléans durant 6 mois. Il rayonnait par son parc, ses allées d’arbres et ses parterres. Les princes faisaient de fréquentes visites au château d’EU habité par leur grand- père.
Photo du château (collection MAQUERON en ligne voir liens patrimoine)
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Bientôt déclaré « bien national » par les révolutionnaires il fut adjugé en 1792 moyennant 520.000 livres à René Le PRESTRE DE CHATEAUGIRON. En l’an III la commune a décidé de créer un atelier de salpêtre dans le four du château non habité par LE PRESTRE. Mais les habitants, craignant un incendie, obtinrent que l’atelier soit transporté dans un four à chaux. Il fut cédé en l’an VIII à Agathe TRECESSON son épouse divorcée. Il fut finalement acquis en l’An XII par Jacques Nicolas DELEGORGUE, futur maire de la commune.
Il ne s’agissait plus alors du château du comte de LANNOY, ravagé par un incendie après 1794 et abattu, mais de l’ancien logis affecté aux officiers qui assistaient le comte de LANNOY dans sa charge de gouverneur du comté d’EU. C’est ainsi qu’il se présente encore, en craie taillée rehaussée de briques et accompagné de quatre corps de dépendance disposés sur les côtés de la vaste cour hexagonale créée par CHAUSSARD.
Vendu en 1820 au comte DE LA SALLE DE ROCHEMAURE puis en 1835 à Monsieur de BONGARD et à son épouse, née de MILLEVILLE qui l’habitent alors, le domaine échut en 1872 à son décès à Madame de BLANGERMONT qui le morcela.
Acquis par M. VERET avec 25 hectares, qui l’habite selon le recensement de 1881 mais n’y est plus présent en 1906.Après son décès dont la date n’est pas connue, c’est son fils qui en hérita puis au décès de celui-ci Madame CHEVALLOT VERET, épouse de Maître CHEVALLOT notaire à OUVILLE LA RIVIERE en Seine Maritime.
Le château abrita plusieurs états-majors anglais en 1916-18 avant d’être loué et restauré par Henri DESJONQUERES, le fondateur de la verrerie DESJONQUERES de MERS LES BAINS.
En 1926, ce dernier, âgé de 56 ans habite le château avec sa femme, sa fille et son gendre Paul DE GROMARD. Sa femme Marie DELCOURT décède au château en 1926. Il semble que la famille ait quitté alors le château puisque plus personne ne l’habite si l’on en croit les recensements de 1931 et 1936.
En 1956 il appartient à Madame BARON, industrielle.
Les actuels propriétaires s’appellent Monsieur et Madame Louis BARREZ depuis 1982.
Sources : Histoire de SQL de Georges DRON et Ludovic OMER
Gentilhommières en Picardie de Philippe SEYDOUX
AD. De ROUEN Série H Abbaye d’EU.
Dictionnaire GARNIER dans M.SA.P
Chartes réglant un différend entre le comte de DREUX et le comte de PONTHIEU aux archives nationales. 1er août 1310
F. MALLET : la chapelle seigneuriale de SAINT QUENTIN LAMOTTE
Actes de Charles le Chauve GIRY, LOT, BRUNEL et TESSIER
AD de la Somme : notariat d'AULT
Notice sur la serrurerie de P. BRIEZ