UNE FAMILLE DE MIGRANTS : LES VATTRE

 

La famille VATTRE est originaire d’EMBREVILLE près de BEAUCHAMPS. Le personnage qui est à l’origine de cette famille de migrants s’appelle :

 

 

 

Charles François VATTRE. Il est né en 1762 à EMBREVILLE. Il est serrurier.

Il épouse en 1787 Marie Thérèse DEHESDIN originaire de FRIVILLE ESCARBOTIN.

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Ce couple aura 11 enfants, mais 8 seulement lui survivront.

Il est marchand de serrures. Il ne livrait pas à PARIS, mais probablement dans un cercle géographique plus restreint. En effet durant le règne de Napoléon 1er l’activité principale des serruriers du Vimeu était non pas de faire des serrures mais des cylindres cannelés, ce qui se révélait très rentable à cause du blocus vers l’Angleterre. Ces pièces, totalement manquantes en France, étaient indispensables au fonctionnement des métiers à tisser.

Charles François a sans doute compris qu’il était plus intéressant de vendre des serrures, qui devenaient donc rares, que d’en fabriquer. Il n’avait pas sans doute la possibilité d’installer chez lui un atelier de cylindres cannelés et ne voulait pas devenir ouvrier dans ces ateliers. (au sujet des cylindres cannelés voir notre article sur la serrurerie au 19^ème siècle)

Charles François décède en mars 1841. Il était âgé de 78 ans.

 

Lors de leur mariage, ses 8 enfants ont tous été dotés, ce qui est remarquable et dénote d’une certaine aisance. 3 ans après son décès, en avril 1844 sa veuve Marie Thérèse DEHESDIN partagera leur patrimoine commun qui consistera en une maison dite « amazée » dont le prix est évalué à 1.642 Francs. En contrepartie, chacun des enfants versera une rente à sa mère jusqu’à son décès en 1847.

 

 

PREAMBULE

 

On assiste, entre les années 1830 et 1840, durant le règne de Louis Philippe, sous la pression de nouveaux intérêts économiques, à la mise en place d’une économie moderne avec le début de la révolution des transports (canaux, routes, chemins vicinaux, chemins de fer), au progrès de l’urbanisme des grandes villes et, d’une manière générale, à une forte croissance démographique qui accompagne le décollage de l’industrialisation de la France. La proximité politique des élites orléanistes avec les manufacturiers, la conviction profonde de Louis-Philippe et de ses principaux ministres de la nécessité d’une modernisation de l’appareil productif ont créé un climat favorable :

Plus de deux mille entreprises sont créées chaque année

Louis-Philippe, exilé de force en Angleterre durant la période révolutionnaire,  éprouve de la fascination pour ce pays. Le régime instauré après 1830 facilite l’investissement capitaliste de manière à aider la croissance de certains secteurs d’activité stratégiques. Plus de deux mille entreprises sont créées chaque année au cours de la décennie de croissance 1835-1845.

 

 

 

Une branche de la famille VATTRE a été particulièrement étudiée, dont l’ensemble des descendants rejoindront PARIS, c’est celle qui commence avec :

 

 

 

Francois Alexandre VATTRE père. Il est né en avril 1788 à FRIVILLE ESCARBOTIN et est le fils aîné de Charles François.

Il est Marchand (en 1833) puis Maître de serrures sur le recensement de 1836, et non plus comme son père, simple serrurier. 

Il épouse Eléonore GRANDSIRE, fileuse, le mardi 24 septembre 1811  à BETHENCOURT SUR MER. 

 

Ce couple aura six enfants :

- François Alexandre VATTRE fils

- Joseph Marie VATTRE

- Françoise Eléonore VATTRE

- Augustin Frédéric VATTRE

- Nicolas Jossime VATTRE

- Prudence Anastasie VATTRE naît en 1813 mais nous ne savons pas ce qu’elle est devenue puisqu’elle n’apparaît plus sur le recensement de 1836.

 

Il devient cultivateur et boulanger en 1860.

Il habite à BETHENCOURT SUR MER rue Tournière .

Francois Alexandre VATTRE meurt le samedi 12 août 1871 à BETHENCOURT SUR MER, âgé de 83 ans : il est encore Boulanger.

 

Quatre des cinq enfants de François Alexandre VATTRE vont migrer à PARIS. Seul François Alexandre VATTRE, son fils aîné restera au pays.

 

Francois Alexandre VATTRE, fils est né en juillet 1812 à BETHENCOURT SUR MER. Il figure bien sur le registre des conscrits de 1832 mais il a été remplacé, c’est-à-dire que sa famille a payé un remplaçant pour qu’il reste au pays, ce qui dénote d’une certaine fortune.

Il est Cultivateur et marchand de serrures. Il vit à TULLY, avec sa première épouse, Marie Louise Justine LAFILE. Après le décès de celle –ci en 1849, il revient vivre à BETHENCOURT SUR MER , rue Tournière.

En 1855 il dépose un brevet d’invention pour un perfectionnement des serrures.

François Alexandre VATTRE meurt en juin 1869 à BETHENCOURT SUR MER, âgé de 56 ans.

 

 

Joseph Marie VATTRE est né en décembre 1814 à BETHENCOURT SUR MER.

Il est le frère de François Alexandre fils.

 

Il est Quincailler 47, rue Au Maire à PARIS dans le 3^ème arrondissement. Nous ne savons pas à quelle date il s’est installé mais il figure  sur les registres de conscription d’AULT en 1834, au moment de ses 20 ans. Il est parti vers PARIS par la suite.

Il épouse le 15 avril 1845 dans le 6^ème arrondissement Joséphine Louise Jenny TISSAIRE, qui deviendra aussi quincaillière, c’est la fille de Jean Antoine TISSAIRE, serrurier. 

 

Joseph Marie VATTRE meurt le dimanche 17 janvier 1847 à Paris, âgé de 32 ans seulement. Son épouse est tout juste enceinte de Joseph Marie Auguste VATTRE, leur fils qui naît le 2 août 1847.

 

L’inventaire après décès de Joseph Marie VATTRE, dont le domicile se situait  51 rue Au Maire a eu lieu le 30 août 1847 après la naissance de son fils dont le notaire s’est assuré de la viabilité.

L’appartement en location de Joseph Marie VATTRE et de son épouse comprend 3 pièces : La cuisine dont le contenu est rudimentaire. La salle à manger comporte une cheminée garnie, une table en noyer. La vaisselle en porcelaine blanche peut permettre de recevoir confortablement de nombreuses personnes : 4 douzaine d’assiettes, de nombreux plats, verres etc.. Mais c’est le mobilier de la chambre à coucher qui attire l’attention car le bois y est précieux : Commode, table de toilette, lit, table de chevet, le tout en acajou, pendule en marbre, candélabres en marbre et bronze, un fauteuil Voltaire et une boîte en palissandre incrustée complètent le tout.

 

L’inventaire des vêtements a aussi son importance car il montre que la commerçante-quincaillère qu’était Madame VATTRE-TISSAIRE se présentait sous son meilleur jour : Robes en soie et laine, en satin broché, mousseline, en soie et coton, tablier en cachemire. Echarpe en soie, châles en mousseline. De même les rideaux de l’appartement sont en mousseline de laine rouge ou en mousseline brochée.

Le défunt avait une garde- robe composée d’un habit noir, de 2 redingotes, d’un paletot, de 2 pantalons, 4 gilets, 2 cravates 2 paires de bottes et d’un chapeau. 

 

L’ensemble a une valeur de 6.400 F, ce qui n’est pas mal pour un tout jeune couple qui n’a vécu ensemble que 2 années. Assurément Joseph Marie VATTRE n’aurait pas eu ce train de vie en restant dans le Vimeu.

 

 

Françoise Eléonore VATTRE est née en avril 1816 à BETHENCOURT SUR MER

Elle est la sœur de François Alexandre et Joseph Marie.

Elle épouse Casimir Auguste HELENE, ancien marchand épicier, domicilié à PARIS, le mardi 2 décembre 1845. Comment l’a-t-elle rencontré ? Son frère Joseph Marie l’a-t-il présenté à Casimir HELENE ? Ce dernier vendait-il des serrures ?

Veuf d’un premier mariage et en charge d’une fillette de 4 ans, Mathilde, Casimir HELENE recherchait probablement une seconde mère pour cette enfant.

Si le contrat de mariage, conclu devant maître DEMONS, notaire à FRIAUCOURT, fait état d’une belle dot pour la future épouse, consistant en 8.000 Francs en espèces, le mari ne dispose lui que de ses immeubles dont la description et la valeur n’est pas indiquée ainsi que d’objets mobiliers d’une valeur de 1.500 Francs.

C’est la raison pour laquelle le père du future époux, François HELENE se porte caution pour son fils en cas de dissolution du mariage.

Le couple HELENE/VATTRE n’a pas eu d’enfants en 7 ans de mariage.

Elle habitait en tant qu'épicière rue Aubry le Boucher du côté des HALLES de PARIS. C’est là qu’elle décède le mercredi 3 novembre 1852, âgée de 36 ans seulement. Il est probable que la dot de Françoise VATTRE a servi au couple à s’installer. 

 

 

Augustin Frédéric VATTRE naît août 1817 à BETHENCOURT SUR MER.

Il est le 4^ème enfant  de François Alexandre VATTRE, et d'Eléonore GRANDSIRE.

Il ne figure pas sur les registres des conscrits du canton d’AULT de l’année 1837 car il  a certainement rejoint son frère Joseph Marie à PARIS.

Il est le tuteur de son neveu né en août 1847 après le décès de son frère Joseph Marie. A cette date, Augustin Frédéric VATTRE habite également 51 rue Au Maire dans le 3^ème arrondissement et succède à son frère à la direction de la quincaillerie. 

Il est incontestable que Augustin Frédéric VATTRE prend également la place de son frère auprès de sa belle –sœur Joséphine TISSAIRE puisqu’un enfant  prénommé Auguste Frédéric naît en 1853.

 

 

Procès BRICARD

 

 

En août 1852, le Tribunal de commerce de PARIS a été saisi par M. BRICARD pour constater l’usurpation de sa marque par la Société VATTRE. Il a d’ailleurs auparavant fait saisir l’ensemble de la fabrication de la société VATTRE. M. BRICARD s’appuie sur le fait que la marque VATTRE qui utilise les initiales « Vt » en dessinant un « V » gothique qui ressemble selon M. BRICARD au « S » de STERLIN-BRICARD. En effet la Société BRICARD utilise toujours à cette date les initiales « St » du nom de son prédécesseur sur ses serrures et papiers à en-tête. M. BRICARD fut débouté en 1^ère instance et en appel.

 

Photo des cartouches Vattré et Sterlin

 

                          

 

 

 

 

Note du webmestre : la Société BRICARD intentera un autre procès à la Société TESSIER de SAINT QUENTIN LA MOTTE en 1853 (voir à ce sujet l’histoire de la Société TESSIER)

 

 

Exportation des produits VATTRE

 

Que M. BRICARD ait intenté une action en justice contre la Société VATTRE s’explique peut- être par le fait que celle-ci en la personne d’Augustin Frédéric VATTRE était très dynamique dans son démarchage commercial et essayait de prendre des parts de marché en Méditerranée.

En effet  Augustin VATTRE se rendait pour affaire en Méditerranée sur des bateaux de la Marine Nationale en emportant avec lui de nombreuses caisses d’échantillons. Il a pu emprunter le bateau de guerre « le Napoléon », tout juste mis à l’eau en 1852 :

 

Reproduction du navire de guerre le « Napoléon »

 

                                       

 

 

 

Il se plaint au Ministre du Commerce extérieur en décembre 1851 que les commandants de ces bateaux militaires refusent de prendre tous ses colis.

De plus, Augustin VATTRE souhaite se faire remettre des lettres de recommandations pour les consuls généraux de France.

C’est ainsi qu’il demandera des lettres pour le ministre de France à CONSTANTINOPLE (ISTANBUL) et ATHENES, pour les consuls généraux de France à ALEXANDRIE et SMYRNE (IZMIR en Turquie), et pour le consul de France à MALTE qu’il se propose de démarcher tous à son retour d’ALGERIE. Il demande l’intervention du ministre sous 15 jours !

 

Mais le ministre de l’agriculture tient à vérifier  « l’honorabilité de la maison, et de sa conduite politique «  avant toute chose.

Voilà la réponse du bureau du mouvement général du commerce au ministre :

« Sur le premier point (transport d’échantillons), je crois que toute autorisation quelle qu’en soit la forme serait dangereuse : qui nous garantit que ce Monsieur n’introduise que ses échantillons ? Sur le point des lettres de recommandations, si j’avais à décider, je n’en ferai rien. J’aurais peur que cela ne couvrit quelque spéculation. « Help yourself sir », c’est un dicton américain que nos commerçants ne comprennent pas. »

 

 

Carte de méditerranée

 

                 

 

 

En 1853, par acte sous seing privé, il s’associe avec son frère François Alexandre VATTRE, fabricant de serrurerie à BETHENCOURT SUR MER et celle qui n’est encore que sa belle- sœur Joséphine TISSAIRE.

Il épouse Joséphine Louise Jenny TISSAIRE, en juillet 1855  à Paris 9ème.

Un deuxième garçon, Frédéric Augustin naîtra deux ans plus tard en septembre 1857.

Mais le 11 novembre 1858 Joséphine TISSAIRE meurt à PASSY où le couple demeurait avec la mère de Joséphine et les 3 garçons.

 

Il s’installe donc après le décès de son frère dans la quincaillerie rue Au Maire  où il vend de la quincaillerie et de la serrurerie de Picardie. Puis, vers 1859, il adjoint à son commerce des articles de PARIS et des articles pour fumeurs. Il exporte vers l’Italie et l’Afrique. A partir de 1874, il travaille rue des Minimes, toujours dans le 3^ème arrondissement et exporte vers les colonies françaises des articles de quincaillerie.

En 1878, il dépose un brevet d’invention pour une serrure composée d’un bouton tournant pour supprimer l’usage de la clé. Il participe à l’exposition Universelle de 1878 et à cette date est installé rue Sedaine et rue Roquette dans le 11^ème arrondissement. En 1886 il crée la Société « WATTRE et Cie »avec son neveu Joseph. Mais le 8 juillet 1887, cette société est en faillite.

 

Augustin Frédéric VATTRE meurt le vendredi 17 février 1888 rue des Tournelles dans un hospice de charité. Il est domicilié au moment de son décès Boulevard Voltaire. Il est âgé de 70 ans et a travaillé jusqu’au bout.

 

 

 

 

Nicolas Jossime VATTRE est né en avril 1819 à BETHENCOURT SUR MER. Il est le dernier de la fratrie.

Il figure sur le registre des conscrits du canton d’AULT de l’année 1839 et rejoint PARIS ensuite. Il s’installe seul au n° 1, rue St Magloire (absorbée depuis par le boulevard Sébastopol) comme quincailler aussi. Il meurt le 19 juillet 1842 âgé de 23 ans seulement.

 

 

 

 

 

 

Sources : Etat civil de PARIS et entraidegenealogique associée

               Archives Nationales (Notariat et lettres commerciales)

               Gallica (Documents commerciaux et Procès Bricard)

               Site geneanet « GENEANETHOUSPIC » d’Hélène NOUAILLE

               Notariat de FRIAUCOURT et AULT

               Site internet « ECLAT DE BOIS »

 

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